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Writer's pictureRiver Champeimont

Les OGM, ce progrès ignoré par l’Europe

Updated: Jun 1, 2021

Les OGM utilisés en agriculture sont probablement la technologie la plus injustement haïe par les européens. Alors qu’elle représente encore moins de risques que l’énergie nucléaire, elle est encore plus rejetée, à tel point que son usage est quasiment abandonné en Europe. Pourtant, cette technologie permet d’apporter des progrès de plus en plus nombreux.



On va ici s’intéresser principalement aux plantes (et un peu aux animaux) génétiquement modifiés, car c’est le sujet qui est le plus important en termes de débat public, même si en fait le terme “OGM” désigne à proprement parler aussi les bactéries et levures génétiquement modifiées, qui intéressent peu le grand public.


L’amélioration des plantes : une pratique millénaire

Une des raisons pour lesquelles les OGM font si peur, c’est qu’on pense qu’on aurait tout à coup découvert une technologie qui nous permettrait de modifier radicalement les plantes, chose qu’on l’on aurait pas faite jusqu’à maintenant, et qui par conséquent représenterait un nouveau risque. De plus, on se prendrait maintenant pour Dieu en essayant de modifier les espèces végétales.


Mais en réalité, modifier les plantes par rapport à leur forme naturelle est quelque chose que l’homme fait depuis des milliers d’années. Par exemple, le chou “classique”, le brocoli, le chou-fleur et le chou de Bruxelles sont à l'origine une seule et même plante, le chou sauvage, et c'est la sélection et les croisements opérés par l'homme qui ont permis d'obtenir toutes ces variétés très différentes. Les carottes étaient à l’origine de couleur blanche, jaune ou violette, et leur couleur orange aujourd'hui est le résultat de croisement et de sélections faites par l’homme, de même que leur goût sucré. Le maïs, quant à lui, avait à l’origine de tout petits épis pas plus gros que ceux du blé [2].


Le chou sauvage, que l’homme a fait évoluer pour créer le chou de Bruxelles, le brocoli et le chou-fleur.

Ces exemples illustrent le cas général des plantes utilisées en agriculture, et vous ne reconnaîtriez probablement pas la plupart des plantes sauvages si vous les voyiez. Les plantes qu’on utilise sous leur forme d'origine sont rares mais existent malgré tout, comme les myrtilles ou les fraises des bois par exemple.


C’est une très bonne chose que l’homme ait pu améliorer les plantes, car à l’origine les plantes comestibles étaient rares et donnaient de petites quantités de nourriture. Les plantes utilisées en agriculture sont donc un immense héritage technologique grâce au travail de générations d’agriculteurs.


La façon dont ces améliorations ont été réalisées repose principalement sur deux techniques :

  • La sélection : Parmi les descendants d’une plante, il y a une certaine variation aléatoire d’un individu à l’autre. Si on choisit pour la reproduction les descendants qui ont le plus les caractéristiques souhaitées, on aura à la génération suivante cette caractéristique qui sera plus fréquente. Ce mécanisme a été compris depuis longtemps par l’homme, bien avant de comprendre qu’il imitait le phénomène naturel d’évolution par sélection naturelle. Aujourd’hui, on comprend qu’en faisant ça, on brasse en fait des milliers de gènes de manière aléatoire.

  • Le croisement : Si on possède deux variétés d’une plante ayant chacune des avantages et inconvénients, on les fait se reproduire ensemble jusqu'à obtenir les avantages deux variétés chez les descendants (on procède par essais et par erreurs car on peut bien sûr par malchance combiner les inconvénients).


C’est grâce à ces deux techniques que l’homme a radicalement modifié les espèces végétales pour donner la majorité des variétés utilisées aujourd'hui en agriculture.


Tout cela s’applique aussi aux animaux de ferme, qui sont eux aussi très différents de leurs ancêtres sauvages, même si les différences sont moins spectaculaires que pour les plantes.


Les nouvelles technologies

Qu’est-ce qu’un OGM ?

Ce qui caractérise un OGM, ce n’est donc pas l’objectif de modifier le patrimoine génétique d’un organisme en tant que tel, mais la méthode qu’on utilise pour le réaliser. Au lieu de pratiquer la sélection et le croisement qui brassent des millions de gènes en même temps, on prélève un gène spécifique qu’on transmet à l’organisme qu’on veut améliorer. C’est donc une technologie “de précision” permettant de choisir le gène qui nous intéresse en le transférant d’un être vivant à un autre. Les scientifiques appellent cette manipulation une transgénèse.


Un aspect particulièrement intéressant est que l’on peut prélever un gène chez une espèce qui ne peut normalement pas se reproduire avec l’espèce que l’on cherche à modifier. Par exemple, l’entreprise GloFish a inséré un gène de méduse chez des poissons pour les rendre fluorescents.


Notez que des transferts de gènes se produisent aussi parfois dans la nature, comme le blé "Renan" utilisé en agriculture biologique (qui n’est pas considéré comme un OGM car la transgénèse s’est produite sans action de l’homme) [9].


Des poissons génétiquement modifiés vendus par GloFish aux États-Unis

Une fois la transgénèse réalisée, il n’y a plus besoin de faire de nouvelles modifications génétiques car on utilise simplement les descendants des spécimens modifiés. Par exemple, si on achète des graines d’un maïs OGM ou des poissons GloFish, ces graines et ces poissons n’ont subi aucune opération génétique en eux-mêmes, ils sont simplement les lointains descendants des individus qui ont été initialement génétiquement modifiés.


Les OGM ne concernent pas seulement les plantes et les animaux. En fait, les bactéries et les levures génétiquement modifiées sont très largement utilisées, et cela sans attirer les foudres des militants anti-OGM, par exemple pour créer des vaccins. On fabrique aussi une quantité colossale d’animaux génétiquement modifiés “de laboratoire” (souris, rats... ) pour étudier des maladies ou le fonctionnement des organismes mais ceux-ci n'ont pas vocation à sortir des laboratoires.


Les autres innovations

Ce que le public et la loi désignent comme des plantes génétiquement modifiées sont celles pour lesquelles au moins un gène à été inséré par transgénèse. Mais la transgénèse n’est pas la seule technique moderne qu’on peut utiliser pour améliorer une espèce. On peut également utiliser :

  • la mutagénèse : on soumet l’organisme à des radiations ou agents chimiques mutagènes, ce qui permet d’accélérer très fortement le fréquence de mutation par rapport à l’évolution naturelle. On sélectionne ensuite les plantes qui ont “par chance” obtenu la modification souhaitée. Les plantes issues de cette technique ne sont pas considérées comme étant des OGM par la réglementation européenne [2].

  • la mutagénèse dirigée : comme la technique précédente, mais on provoque les mutations sur un gène précis au lieu de l’ensemble des gènes de la plante. Un plante issue de cette technique est considérée comme un OGM en Europe mais pas aux États-Unis [2].


Ce qui est particulier avec ces techniques, c’est qu’elles permettent d’obtenir une plante qu’on aurait très bien pu obtenir avec les techniques traditionnelles de sélection/croisement car on n'insère pas de gène venant d’une autre plante. La méthode utilisée est donc une technologie de génétique “moderne”, comme pour les OGM, mais le résultat est indifférenciable de ce qu’on aurait pu obtenir avec des techniques anciennes (mais qui aurait pris plus de temps aux chercheurs).


Tout cela montre que la distinction OGM/non-OGM est plutôt une notion juridique sujette à interprétation qu’une véritable distinction scientifique.


À quoi servent les plantes transgéniques ?

La transgénèse n’est qu’une technique et l'effet dépend du gène qu'on insère dans la plante. Voilà quelques exemples de modifications génétiques utilisées :

  • Tolérance à un herbicide : la plante génétiquement modifiée est résistante à un herbicide, qui par ailleurs tue toutes les autres plantes. L'agriculteur peut alors désherber facilement son champ avec cet herbicide qui tuera toutes les mauvaises herbes mais pas la plante qu'il cultive.

  • Résistance à un insecte : la plante produit une protéine-insecticide qui tue un insecte qui lui est nuisible. L’objectif est ici d’éviter d'utiliser un insecticide qu’on devrait sinon répandre sur le champ (avec ses risques et impacts environnementaux).

  • Composition chimique : la pomme de terre Amflora de BASF est modifiée pour être plus facile à utiliser en industrie car elle contient un amidon plus adapté.

  • Esthétique : des œillets génétiquement modifiés pour être violets [10] ou les poissons GloFish mentionnés plus haut.

  • Avantage nutritionnel : le riz doré est enrichi en vitamine A (et a aussi une couleur dorée) pour lutter contre la déficience en vitamine A dans les pays en développement.


Une plante peut être génétiquement modifiée plusieurs fois (on insère plusieurs gènes) pour avoir plusieurs caractéristiques recherchées. Dans le monde, 45% des plantes génétiquement modifiées cultivées ont à la fois un gène de tolérance à un herbicide et un gène de résistance à un insecte [1].


Riz classique et “riz doré” (génétiquement modifié)

Dans ce champ, on a planté du coton classique pour former le mot “Tigers” et une variété génétiquement modifiée résistante aux chenilles à l’extérieur du mot. Les chenilles ont alors dévoré la variété classique mais pas la variété OGM, laissant apparaître le mot “Tigers” là où les plants de coton sont morts.

Les OGM sont-ils dangereux ?

Les OGM cultivés actuellement ne sont pas dangereux pour la santé, que vous les mangiez directement ou que vous mangiez la viande d’animaux qui en ont consommé [8].


Mais il faut bien garder en tête qu'il n’y a pas de dangerosité des OGM “en général”, de la même manière que ça n’aurait pas de sens de parler de la dangerosité des plantes en général. En effet, si une plante génétiquement modifiée se révélait dangereuse, cela n’impliquerait pas qu’il faudrait rejeter les OGM en général. Cela remettrait l’insertion du gène utilisé en cause et pourrait donc remettre en question toutes les variétés dans lesquelles on a inséré le même gène, mais cela n’impliquerait pas que les autres OGM (où le gène inséré n’a rien à voir) comportent eux aussi un risque.


La bonne question, c’est est-ce que le gène qu’on insère est dangereux, et cela peut être complètement différent d’un gène à l’autre. Mais que ce soit en Europe ou aux États-Unis, des études sont faites pour vérifier la sécurité des variétés génétiquement modifiées et n'ont à ce jour rien détecté.


Ce qui est particulièrement surprenant, c’est que cette technologie est encore plus rejetée en Europe que l’énergie nucléaire, alors que contrairement au nucléaire, les OGM n’ont jamais tué personne. Ils sont utilisés à grande échelle en agriculture depuis plus de 20 ans [6] sans avoir causé aucun dégât connu sur la santé.


Les plantes OGM dans le monde

L’échec total en Europe

En Europe, la réglementation des OGM est très lourde et seuls deux OGM sont autorisés à être cultivés : la pomme de terre Amflora et le maïs MON810 résistant à un insecte. Seul le maïs MON810 est encore un peu cultivé en Espagne et au Portugal.


Cela dit, l’Union européenne importe une quantité importante de plantes génétiquement modifiées destinées à l’alimentation animale, principalement des États-Unis. En effet, beaucoup de plantes génétiquement modifiées sont autorisées à être importées une fois récoltées, bien qu’elles ne soient pas autorisées à être cultivées dans l’UE.


En plus d’une réglementation européenne très contraignante, des pays individuels ont parfois ajouté leurs propres interdictions contre les rares cultures autorisées par l’UE. Par exemple, la France a tenté à plusieurs reprises d'interdire illégalement le maïs MON810 pourtant autorisé par l’UE [3] [4].


Mais en plus des réglementations lourdes de l’UE, des interdictions imposées par les pays, d’une population qui a peur des OGM, les cultures sont souvent détruites illégalement par des militants anti-OGM. Même les recherches faites par les institutions publiques ne sont pas à l’abri de ce phénomène [5].


Tout cela a conduit les industriels et les organismes de recherche publics à complètement abandonner la recherche sur les plantes génétiquement modifiées.


Un développement massif ailleurs

Si cette technologie est boudée par les européens, elle est pourtant massivement adoptée dans d’autres pays. En fait, 5 pays représentent à eux seuls 91% de la surface cultivée en plantes génétiquement modifiées : les États-Unis, le Brésil, l’Argentine, le Canada et l’Inde.


Production de plantes génétiquement modifiées dans le monde

Les plantes génétiquement modifiées les plus cultivées sont le soja (celui qui sert à nourrir les animaux, pas celui des rouleaux de printemps), le coton, le maïs et le colza. Dans le monde, la majorité du soja et du coton produits sont génétiquement modifiés, avec 78% pour le soja et 76% pour le coton, à comparer à 30% pour le maïs et 29% pour le colza (source [6] p. 74).


Depuis 1996, la surface plantée en OGM augmente d’environ 10 millions d’hectares chaque année, mais l’augmentation est plus lente depuis 2012 environ, avec seulement 3 millions d’hectares plantés en plus chaque année [1] [6]. Cela est en partie dû au fait que dans les 5 grands pays adopteurs, on arrive “à saturation”. Par exemple, aux États-Unis, on a déjà plus de 90% du soja, du coton, du maïs et du colza cultivés qui sont des variétés OGM. On ne peut donc plus vraiment “faire plus”. Par contre, on ajoute des modifications génétiques, ce qui fait que les variétés “modifiées 1 fois” font place à des variétés “modifiées 2 fois” par exemple.


Et les animaux ?

Contrairement aux plantes génétiquement modifiées qui sont massivement utilisées en agriculture, l’utilisation d’animaux génétiquement modifiés est beaucoup plus rare. Les poissons GloFish en sont bien sûr un exemple et sont commercialisés depuis 2003, mais il s’agit de poissons d’aquarium qui sont produits à petite échelle.


Le premier animal génétiquement modifié autorisé à la consommation humaine est le saumon de AquAdvantage. Il s’agit d’un saumon de l’Atlantique modifié de façon à remplacer son hormone de croissance par celle d’une autre race de saumon, pour lui permettre de grossir toute l’année et pas seulement au printemps et en été [7]. Le premier pays à approuver ce saumon est le Canada en 2016, suivi par les États-Unis en 2019.

Le saumon de l’Atlantique

Conclusion

Les plantes génétiquement modifiées sont utilisées à grande échelle depuis plus de 20 ans dans de nombreux pays sans avoir causé aucun problème de santé. C’est pourquoi il me semble dommage que les citoyens européens en aient autant peur. La modification génétique est un nouvel outil qui ouvre de nouvelles possibilités par rapport à la sélection classique et qui peut apporter de nombreux bénéfices : augmentation des rendements, diminution des pesticides utilisés, adaptation au changement climatique, résistance aux maladies, augmentation de la qualité nutritive ou gustative. Plus la technologie progresse, plus on invente de nouvelles modifications génétiques qui apportent de nouveaux bénéfices.


Ce qui peut selon moi éventuellement présenter un problème, c’est la modification génétique des animaux car celle-ci pourrait avoir des conséquences négatives sur leur bien-être. Bien sûr, il faut une évaluation au cas par cas car une modification génétique peut tout aussi bien être favorable que défavorable au bien-être d’un animal. Néanmoins, il s’agit encore d’un problème encore mineur à l’heure actuelle, car le saumon AquAdvantage est le seul animal génétiquement modifié utilisé dans l’alimentation.


Pour en savoir plus

Il est difficile de trouver de bonnes sources, tant le discours idéologique anti-OGM est omniprésent, mais heureusement on peut quand même trouver des sources qui présentent les faits scientifiques sans les déformer. Par exemple, l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS), qui s’est fixée comme objectif d’apporter une information scientifique sur les sujets controversés chez le grand public, fait un excellent travail et possède une catégorie complète d’articles consacrés aux OGM. Par ailleurs Wikipédia (surtout la version en anglais qui est plus relue) apporte aussi une information résumée basée sur des sources fiables.


Sources

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