L’histoire de River
- River Champeimont
- Mar 27
- 5 min read
Updated: Mar 28
Si vous ne lisez qu’un seul article sur ma transition, lisez celui-ci !
Il s’agit d’un article que j’ai écrit pour l’Intranet de RBC (où je travaille) à l’occasion du Transgender Day of Visibility (Journée internationale de visibilité transgenre). J’ai juste supprimé les quelques phrases qui révélaient des informations internes à l’entreprise.
Être trans est quelque chose qu’on découvre à propos de soi-même, et qui est souvent un processus difficile. On pourrait comparer cela à avoir le « logiciel » d’un genre installé sur le « matériel » d’un autre genre.

Mon nom est River et je suis une femme transgenre.
Avant l’éclosion
Dans la communauté trans, les gens parlent « d’œufs » pour les personnes qui n’ont pas encore réalisé qu’elles étaient trans, avant qu’elles « cassent leur œuf ».
Remontons le temps. Avant de déménager au Canada, j’ai vécu toute ma vie en France, près de Paris.
Les premiers signes de ma transidentité remontent à quand j’étais enfant. J’ai dit à un copain à l’école que « j’aimerais bien être une fille ». À l’époque, les garçons se sont moqués de moi, et je n’ai jamais osé redire ce genre de chose.
Plus tard dans ma vie, en particulier après être devenue une adulte indépendante, j’ai toujours ressenti ce besoin d’apparaître comme plus féminine. Je portais toujours des vêtements achetés dans la section femme, mais jamais rien de trop explicitement féminin comme des jupes car cela me semblait socialement inacceptable « pour un homme ». Pourtant pendant l’été, ma façon de m’habiller était tellement féminine que les gens m’appelaient « madame » dans les commerces. Je ne corrigeais jamais les gens car en fait ça me plaisait. Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, je ne me considérais pas comme trans pour autant. Je n’avais même pas de mot pour décrire ce que c’était, je disais simplement que j’étais « juste originale » si on me demandait. En fait, je ne connaissais pas grand-chose au concept de transidentité. Je connaissais bien une personne trans, mais je n’imaginais pas une seule seconde que cela pourrait également être mon cas.
Un jour, des amies ont proposé de me mettre du maquillage pour me faire ressembler à une femme, juste pour s’amuser une après-midi. Elles pensaient que ça me ferait plaisir, et j’ai en effet immédiatement accepté ! On a alors réalisé ce projet un week-end. J’ai adoré mon apparence et j’ai dit « je sais exactement quoi porter avec pour prendre des photos ». J’ai enfilé une jupe noire en jean et une chemise sans manches. Personne n’a demandé pourquoi j’avais ces vêtements sous la main. Nous étions juste toutes heureuses. J’ai adoré les photos qu’on a prises et les ai postées sur les réseaux sociaux. Mes parents ont eu peur que je reçoive des commentaires négatifs, mais tout s’est bien passé. Quand je repense à ce jour, je me dis que c’était un essai gratuit d'un jour pour ma future transition.
Mais la vie a continué. J’étais concentrée à 100% sur le développement de ma start-up, et je n’avais pas le temps de réfléchir à mon identité. J’avais pourtant une apparence très androgyne dans la vie de tous les jours, avec des vêtements féminins, des cheveux longs, rasée de très près, et je profitais ce chaque soirée déguisée pour m’habiller de manière totalement féminine. Ma non-conformité de genre était quelque chose d'accepté et de connu par tous, même si on ne mettait pas de mots dessus.
Le déménagement au Canada
Par la suite, j’ai immigré au Canada. Il a fallu que j’ouvre un compte en banque, que j’obtienne un permis de conduire local, que je trouve un logement, un travail… J’ai intuitivement pensé que je devais cacher le « côté trans » de ma personne pour « avoir l’air normale ». Je me suis donc habillée de manière masculine et ennuyeuse. Mais le week-end, je rencontrais des personnes passionnantes de la communauté LGBTQIA+ de Toronto, et je me suis rendue compte que ce nouvel environnement était encore plus ouvert d’esprit que celui de Paris. J’ai commencé à porter des jupes en public en dehors du travail (ce que je n’avais jamais osé en France), et les gens semblaient totalement l’accepter. Et je me suis remise à me teindre les cheveux. En France, j’avais essayé presque toutes les couleurs de cheveux possibles, le violet étant ma préférée.
Mais quelque chose n’allait pas. Je vieillissais et mon corps devenait de moins en moins androgyne, par exemple la frontière des cheveux sur mon front était plus haute et de manière générale mes cheveux se raréfiaient. Par conséquent, mon apparence devenait de plus en plus masculine et je détestais ça, mais je ne comprenais pas que c’était ça le problème. Je ressentais juste un profond mal-être.
Dans la communauté LGBTQIA+ locale, j’ai rencontré des personnes non-binaires. Je n’avais aucune idée qu’un tel concept existait quand je vivais en France. Cela a ouvert une nouvelle possibilité pour moi. Peut-être étais-je comme iels ? J’ai commencé à me renseigner. L’étape finale a été d’aller sur le site « Turn me into a non-binary person » (transforme-moi en personne non binaire) qui explique ce que les personnes non-binaires ressentent. Je me suis reconnue dans ce qui y était écrit, et ça a été une telle révélation que j'ai pleuré de joie.
Aujourd’hui, je sais que je ne suis en fait pas une personne non-binaire, mais une femme trans. Par contre, une chose dont j’étais sûre dès le début était que je voulais de la « HRT » (comme on dit en Ontario).
Transition
La HRT est le processus consistant à prendre des médicaments pour remplacer les hormones que notre corps produit par celles qui correspondent à notre identité de genre. C’est comme « inverser » sa biologie interne. Dans mon cas, cela me donnerait la possibilité de féminiser mon apparence. Je pouvais arrêter le masculinisation « naturelle » de mon corps, et je voulais que cela commence le plus vite possible. Deux mois plus tard, quand j’ai reçu un SMS de mon médecin me donnant son accord pour commencer le traitement, j’ai été me cacher dans une salle de réunion pour pleurer de joie.
Plus tard dans ma transition, j’ai décidé de changer mon nom (en River comme vous pouvez vous en douter). J’ai annoncé mon nouveau nom lors du Transgender Day of Visibility.
Je suis reconnaissante envers RBC de m’avoir permis de changer mon nom (et mon adresse email) dans tous les systèmes internes alors même que ce n’était pas mon nom légal. […] J’ai aussi envoyé un email à mon équipe expliquant que je changeais mon nom pour mieux correspondre à mon identité de genre. Mon manager et mon équipe m’ont immédiatement soutenue et ont tout de suite commencé à utiliser mon nouveau nom.
Et pour finir j’ai fait mon dernier coming out quelques mois plus tard, j’ai expliqué que j’étais une femme trans et que j’utiliserai maintenant les pronoms féminins she/her […]. C’était mon second coming out car j’avais initialement annoncé que je m’identifiais comme non-binaire (et que j’utilisais les pronoms they/them).

Libération
Avec le temps, les effets des hormones ont commencé à être visibles sur mon corps. Pour la première fois de ma vie, j'ai pu me dire en regardant dans le miroir que j'aimais mon reflet. Pour être honnête, ce n’est pas uniquement grâce aux hormones, j’ai aussi fait de la chirurgie d’implantation de cheveux, de l’épilation laser et de l’électrolyse.
Maintenant, je ne suis plus angoissée à l’idée de vieillir. Je connais plusieurs femmes trans âgées, et cela ne me dérange pas de savoir qu’un jour je serai comme elles. Je préfère largement ça à mon apparence pré-transition, même si j’étais bien plus jeune.
En plus d’aimer mon apparence, être vue avec le genre correct par les autres personnes me rend très heureuse. Dans mon cas, c’est comme une sensation de soulagement et de paix, à l’opposé de la sensation de « tension » que je ressentais quand les gens parlaient de moi au masculin avant.
Ces temps-ci, le monde semble devenir plus intolérant envers les personnes trans, et transitionner implique du stress, du travail et parfois de la douleur physique, mais si vous me demandiez si ça vaut le coup, je vous dirais : Oui, absolument !
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