Les vaccins contre le coronavirus autorisés en Occident utilisent des technologies récentes, et pour cette raison engendrent parfois de la méfiance. Je vous propose ici une explication vulgarisée du fonctionnement des différents vaccins contre le coronavirus mis sur le marché.
Bien qu’ayant des connaissances en biologie et en particulier en génomique (ma thèse de doctorat porte sur les mutations génétiques), j’ai dû me documenter sur les vaccins car je ne suis pas expert dans ce domaine précis, mais cela m’a permis de comprendre sans trop de difficultés la documentation sur le sujet. Merci néanmoins de faire preuve de bienveillance si vous trouvez une erreur et n’hésitez pas à me la signaler en commentaire.
Comment fonctionne une cellule ?
Commençons d’abord par expliquer brièvement le fonctionnement d’une cellule de notre organisme. Notre corps est en grande partie composé de protéines. Si on compare les cellules de notre corps à des usines, les protéines jouent à la fois le rôle de briques et de machines de ces usines. Le plan de fabrication de ces protéines est contenu dans nos gènes, gènes qui sont stockés sous forme d’ADN dans nos cellules. Les cellules stockent cette information génétique dans leur noyau, sorte de coffre-fort interne à la cellule.
Pour utiliser ces plans de fabrication, la cellule commence par faire une copie d'une toute petite partie spécifique de notre ADN, qu'on appelle un gène. Ce petit bout d'ADN, ce gène, correspond au plan de fabrication d’une protéine spécifique. Pour vous donner une idée, la longueur d’une gène est de quelques milliers de “lettres” A, C, G, T alors que notre ADN complet se compte en milliards de lettres. Ces lettres A, C, G, T symbolisent quatre molécules différentes, qui servent à encoder l’information dans l’ADN (comme les bits 0 et 1 dans un ordinateur).
La copie temporaire d’un gène s’appelle un ARN messager, car il porte sur lui le plan de la protéine tel un messager. Cet ARN sort ensuite du noyau de la cellule. Il est alors lu par une machine spéciale (un ribosome), qui lit le plan de fabrication inscrit dans l’ARN et fabrique la protéine correspondante.
Comment fonctionnent les virus ?
Le but d’un virus, c’est de se répandre le plus possible. C’est forcément le cas, car sinon le virus ne causerait pas d’épidémie et on n’en entendrait jamais parler. Il ne faut pas confondre les virus avec les bactéries, qui sont des cellules vivantes comme celles de notre corps. Les virus ne sont pas des cellules, mais simplement des petites “boites” avec des instructions qui vont “pirater” la machinerie des nos cellules pour l’utiliser à leurs fins.
Les virus ont trouvé plein de manières différentes de procéder, mais prenons l’exemple classique des virus à ADN, comme par exemple l’herpès, la variole, la varicelle ou le papillomavirus. Ils commencent par pénétrer dans une cellule, puis dans son noyau (qui n’est pas si inviolable que ça). Là, ils ajoutent leur propre ADN. La cellule, ainsi modifiée, croyant exécuter son propre plan, va exécuter le plan de fabrication du virus et va ainsi fabriquer des ARN messagers avec les instructions du virus, et enfin les protéines du virus. Cela permet de fabriquer de nouveaux virus qui vont ensuite sortir et aller infecter de nouvelles cellules, ce qui leur permet de contaminer toujours plus de cellules. C'est ce processus qui nous fait tomber malade, rendant la diffusion du virus dans notre organisme dangereux. Les symptômes, voire la mort, sont un "dommage collatéral" causé par le virus, qui lui n'a comme but que de se répandre dans notre corps puis dans la population.
Comment fonctionne le coronavirus ?
Le coronavirus responsable de la COVID-19, nommé officiellement SARS-CoV-2, fonctionne légèrement différemment. Il contient un ARN et non un ADN, et ne pénètre pas dans le noyau de la cellule. À la place, il est directement lu par la cellule comme si c’était un ARN messager. La cellule fabrique alors les protéines du virus. Parmi ces protéines, certaines ont pour fonction spécifique de dupliquer l’ARN du virus pour créer de nouveaux virus.
Il existe plein de subtilités et de variantes de ces stratégies parmi les virus (comme des virus contenant un ARN mais qui le transforment en ADN une fois dans la cellule), mais je voulais vous présenter ces deux variantes pour vous montrer que certains virus font pénétrer leur ADN dans le noyau, alors que d’autres non.
Comment fonctionnent les vaccins ?
Le principe général de la vaccination est de tirer profit d’une capacité naturelle du corps humain dont nous a doté l’évolution. Après l’exposition à un virus, notre système immunitaire créé des cellules spécifiques pour contrer plus efficacement le même virus en cas de nouvelle attaque. Ce mécanisme a été sélectionné par l’évolution car il permet ainsi de nous assurer une plus grande chance de survie contre les attaques des virus, notamment en cas de nouvelle contamination.
La préhistoire de la vaccination
L’idée fondamentale de la vaccination est de provoquer cette immunisation sans pour autant nous exposer au risque de la maladie réelle. Une des observations fondamentales à l’origine de la vaccination est la découverte par Edward Jenner à la fin du 18ème siècle que les fermières en contact régulier avec la variole de la vache, appelée la vaccine, sont immunisées contre la variole humaine. La vaccine, qui se transmet de la vache à l’homme, est une maladie bénigne alors que la variole est une maladie mortelle. Edward Jenner entreprend alors d’exposer volontairement des personnes à la vaccine, pour les protéger de la variole. On appelle alors cela logiquement la “vaccination”. Louis Pasteur proposera ensuite d’utiliser ce terme pour désigner toute procédure basée sur cette idée, en l’honneur de Edward Jenner, ce qui conduira à l’usage moderne du terme vaccination.
Les vaccins atténués
Une technique classique pour produire des vaccins consiste à utiliser de vrais agents pathogènes (virus ou bactéries selon la maladie), mais à les faire évoluer jusqu’à ce qu’ils perdent leur caractère dangereux tout en conservant leur capacité à se multiplier dans l’organisme comme le virus/la bactérie d’origine. C’est la technique utilisée pour les vaccins BCG (contre la tuberculose) et ROR (Rougeole, Oreillons, Rubéole).
Les vaccins inactivés
Avec cette technique, on fait subir des conditions de vie violentes aux agents pathogènes, les rendant inaptes à se reproduire dans l’organisme. Puis on crée le vaccin avec ces pathogènes inactivés. Pour forcer le système immunitaire à réagir fortement malgré leur faible nombre (car ils ne se multiplient pas dans l’organisme), on ajoute souvent des adjuvants et on fait plus de rappels. Aujourd’hui, les vaccins contre la coqueluche, la rage, la grippe saisonnière et l’hépatite A sont de ce type.
L’arrivée des biotechnologies
Le progrès des biotechnologies a permis de créer de nouveaux vaccins qui ne nécessitent pas d’utiliser le véritable agent pathogène du tout, permettant ainsi de réduire encore les risques de la vaccination pour les individus fragiles (dont le système immunitaire est défaillant) et les effets secondaires. Grâce aux nouvelles technologies de modification génétique, on peut par exemple modifier des levures (n’ayant rien à voir avec la maladie) pour leur faire produire certaines protéines du virus ou bactérie responsable de la maladie. On récupère alors les protéines et on les injecte directement à la personne à vacciner. C’est ainsi que fonctionne le vaccin actuel contre l’hépatite B par exemple, dont on “cultive” les protéines dans des levures génétiquement modifiées.
Les technologies les plus récentes
Dans les 30 dernières années, de nombreux progrès ont été faits en génomique. On a en particulier développé la technique permettant de lire l’ADN et on a fini de lire la totalité de l’ADN d’un homme en 2003. Depuis, la technologie a massivement progressé et on peut maintenant lire en masse l’ADN des humains ou des autres êtres vivants. Mais on peut également, et c’est une seconde innovation majeure, synthétiser l’ADN. C'est-à-dire qu’on peut créer physiquement un morceau d’ADN avec encodée la séquence de lettres A, C, G, T que l’on souhaite. On a également des mécanismes permettant de passer de l’ADN à l’ARN et réciproquement, ce qui nous permet aujourd'hui de lire ou créer des séquences d’ADN et d’ARN. Ces nouvelles possibilités techniques ont été mises à profit pour créer certains vaccins contre le coronavirus, comme on va le voir.
Comment fonctionnent les vaccins contre le coronavirus ?
À l’heure où j’écris ces lignes, seuls les vaccins Pfizer-BioNTech (développé en Allemagne et aux États-Unis) et Moderna (développé aux États-Unis) sont autorisés dans l’Union Européenne. Ce sont tous les deux des vaccins à ARN.
Le vaccin Oxford-AstraZeneca est autorisé au Royaume-Uni et a des chances d’être par la suite autorisé dans le reste de l’Europe. C’est un vaccin à vecteur viral, une autre technologie récente. Le vaccin russe Sputnik V utilise aussi cette technique.
Les vaccins chinois, de Sinopharm et Sinovac, sont quant à eux produits avec la méthode “classique” des virus inactivés, mais ne semblent pas aussi efficaces. Ils ne sont autorisés dans aucun pays occidental pour le moment.
Les vaccins à ARN (Pfizer-BioNTech et Moderna)
Le principe des vaccins à ARN consiste à injecter un ARN messager qui contient le plan de fabrication d’une protéine du virus. Ce sont alors les mécanismes de la cellule qui créent les protéines du virus, qui sont alors reconnues par le système immunitaire.
Un des avantages de cette technique est qu’elle permet de produire des vaccins très rapidement car on peut facilement fabriquer n’importe quelle séquence d’ARN, alors que les vaccins classiques nécessitent des développements spécifiques pour chaque virus (pour les cultiver puis les atténuer/inactiver).
La vaccination avec ce type de vaccin est relativement nouvelle, mais d’autres vaccins utilisant cette technique ont malgré tout déjà été testés, par exemple contre la rage, le virus zika, le cytomégalovirus ou la grippe. Mais le vaccin contre le coronavirus est le premier à obtenir une autorisation de mise sur le marché.
Le vaccin à vecteur viral Oxford-AstraZeneca
Le vaccin Oxford-AstraZeneca fonctionne différemment. L’idée est ici d’utiliser un adénovirus qui affecte habituellement le chimpanzé. Les adénovirus sont des virus communs comme le virus du rhume. On utilise un virus de chimpanzé car les virus affectant l’homme sont souvent “connus” de nos systèmes immunitaires, et seraient donc éradiqués par notre organisme sans pouvoir délivrer le vaccin.
L’astuce consiste à remplacer le génome de l'adénovirus par le programme génétique d’une protéine du coronavirus (mais pas le génome complet du coronavirus). L’adénovirus ainsi modifié va alors infecter des cellules comme le ferait un adénovirus “normal”, mais au lieu de reproduire de nouveaux adénovirus, le programme génétique ordonne aux cellules de produire des protéines du coronavirus. Le système immunitaire détecte alors ces protéines et développe une immunité aux protéines du coronavirus.
Comme avec un vaccin classique ou une véritable infection par un virus, les cellules infectées sont ensuite détruites par le système immunitaire.
Conclusion
J’ai essayé de vulgariser au mieux le fonctionnement des vaccins que le coronavirus pour que vous puissiez comprendre par vous-même comment ils fonctionnent. Ces vaccins ont la particularité d’utiliser les technologies les plus récentes, ce qui a permis d’obtenir des vaccins à la fois très rapidement et très performants (avec des taux de protection de 90% et plus).
Les méthodes “classiques” pour créer des vaccins n’ont rien de fondamentalement plus fiable ou moins dangereux que les techniques plus modernes. Mais il est vrai que ces vaccins sont créés avec des technologies récentes et que l’on n’a pas 20 ans de retour d’expérience avec ce type de vaccins. C’est cependant un problème inévitable avec toute nouvelle technologie, et cela ne devrait pas selon moi être une raison pour les rejeter, s'ils sont testés et vérifiés, ou alors il faudrait rejeter systématiquement tout progrès technique.
Voir aussi : Pourquoi je me vaccinerai contre le coronavirus
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